Par Dominique Laperle

Micheline Dumont vient de faire paraître De si longues racines. L’histoire d’une historienne aux Éditions du Remue-Ménage. Ce récit autobiographique sur son parcours rappelle les embûches, les combats et tout le chemin parcouru par les femmes de sa génération afin de s’épanouir. La Société canadienne d’histoire de l’Église catholique a bénéficié à l’occasion de plusieurs congrès des fruits de ses travaux. Ils se sont d’ailleurs retrouvés publiés au sein des pages de sa revue (voir le bilan à la fin du texte).

Au temps de l’éducation catholique

Le ton de l’ouvrage, très personnel, plonge au plus profond de la mémoire de la professeure retraitèe de l’Université de Sherbrooke. Au-delà des anecdotes familiales et personnelles, Dumont livre, à travers une trame chronologique, le portrait d’une époque qui nous apparaît désormais vraiment lointaine.

Elle rend avec beaucoup de réalisme l’ambiance qui prévalait dans la région de Vaudreuil, au sein d’une famille canadienne-française typique (qui demeurait très ouverte sur le plan intellectuel et la scolarisation des filles) et dans les murs des différentes institutions congréganistes qu’elle a fréquentées.

Pour les membres de la SCHEC, un des principaux attraits de son livre m’apparaît être justement son parcours scolaire, son analyse des matières données, sa reconnaissance de l’ouverture de certaines sœurs de Sainte-Anne à Vaudreuil et certaines désillusions face au sacro-saint cours classique qu’elle a pu fréquenter grâce à une bourse de la congrégation fondée par Esther Blondin. Dumont illustre avec à-propos l’impact des communautés religieuses au sein de la société et des nuances nécessaires dans l’analyse de leurs différentes contributions.

Femme et chercheuse

L’ouvrage mérite aussi le détour pour sa réflexion sur ce que c’est d’être femme dans les décennies qui suivent la Deuxième Guerre mondiale. À ce chapitre, les tabous et les interdits concernant les rapports amoureux, la natalité et le corps de la femme en surprendront plusieurs et m’apparaissent particulièrement intéressants.

Ces pages méritent une lecture attentive, particulièrement pour les nouvelles générations, car elles illustrent le poids de la morale religieuse, du contrôle patriarcal, mais aussi de l’incapacité des femmes plus âgées de préparer leurs filles aux différentes étapes de la vie.

Dumont souligne aussi l’importance de la littérature dans son cheminement intellectuel. J’ignorais qu’elle avait publié sur Laure Conan et que sa thèse, éditée en 1970 sous le titre Apôtres ou agitateurs. La France missionnaire en Acadie, portait sur la Nouvelle-France.

En revanche, sa participation aux travaux de la Commission Bird ne m’était pas inconnue, tout comme ses réflexions historienne sur les femmes qui forment un corpus incontournable pour quiconque désire approfondir le sujet. Encore ici, le récit permet aussi de saisir, en filigrane, les difficultés de rendre le sujet acceptable dans le milieu universitaire.

Bilan

Je dois avouer toutefois une légère déception. Les dernières années de sa vie sont trop rapidement esquissées. J’aurais aimé une sorte de bilan critique de ses travaux et de la pratique historienne. Peut-être cela se retrouvera-t-il dans un ultime opus ? L’avenir nous le dira.

Pour finir, ce récit personnel de Micheline Dumont méritait une diffusion publique et nous rappelle à raison que de prendre le temps de partager un destin, surtout lorsqu’il s’agit de celui d’une femme qui a percé certains plafonds de verre, n’est pas un luxe.

Ce livre saura plaire à un lectorat varié et curieux, comme Le féminisme québécois expliqué à Camille (Remue-Ménage, 2008). ll devrait se retrouver dans le bas de Noël de tous ceux qui ont à cœur les luttes des femmes d’hier et d’aujourd’hui afin de préserver et d’améliorer l’équité et l’égalité entre les deux sexes.

Dominique Laperle

Bibliographie des publications de Micheline Dumont dans Études d’histoire religieuse[1]

Articles

Recensions

  • (En collaboration avec Lucie Champagne) Léo-Paul Hébert, Le financement du Séminaire de Joliette : Perspectives historiques. Tome I : 1846-1904 ; tome II : 1904-1968, Joliette, Cégep Joliette-De Lanaudière, 1989 et 1990, 268 et 330 p., Études d’histoire religieuse, volume 58, 1992, p. 76-79.
  • Hélène Pelletier-Baillargeon, Claudette Boivin, Hélène Chénier et Gisèle Turcot, (sous la dir.), Simonne Monet-Chartrand : un héritage et des projets, Montréal, Éditions Fides et Éditions du remue-ménage, 1993, 388 p., Études d’histoire religieuse, volume 60, 1994, p. 164-165.
  • Bruno Roy, Mémoire d’asile. La tragédie des enfants de Duplessis, Montréal, Boréal, 1994, 254 p., Études d’histoire religieuse, volume 62, 1996, p. 120-122.
  • Marie-Paule Malouin, (dir.), L’univers des enfants en difficulté au Québec entre 1940 et 1960, Montréal, Bellarmin, 1996, 458 p., Études d’histoire religieuse, volume 63, 1997, p. 133-136.
  • Micheline D’Allaire, Les communautés religieuses de Montréal, Tome 1 : Les communautés religieuses et l’assistance sociale à Montréal 1659-1900, Montréal, Méridien, 1997, 168 p., Études d’histoire religieuse, volume 64, 1998, p. 108-110.
  • Nive Voisine et Yvonne Ward, Histoire des sœurs de la Charité de Québec, Tome 1 : L’âme de la fondation, Marcelle Mallet, Beauport, MNH, 1998, 302 p. Francine Roy et Yvonne Ward avec la collaboration de Nive Voisine, Histoire des sœurs de la charité de Québec, Tome 2 : Des maisons de charité, Beauport, MNH, 1998, 305 p., Études d’histoire religieuse, volume 66, 2000, p. 127-129.
  • Rose Dufour (avec la collaboration de Brigitte Garneau), Naître rien. Des orphelins de Duplessis, de la crèche à l’asile, Sainte-Foy, Éditions MultiMondes, 2002, xviii, 324 p., Études d’histoire religieuse, volume 70, 2004, p. 121-122.
  • Christine Mailloux, Esther Blondin. Un voyage, une passion, Montréal, Mediaspaul, 2010, 591 p., Études d’histoire religieuse, volume 77, 2011, p. 126-128.

[1] Publiée auparavant sous le nom de Sessions d’étude – Société canadienne d’histoire de l’Église catholique